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Donde piso, crecen cosas
Español  (Original)



No voy a fingir que no tengo miedo. Lo tengo. Todos los días. Me acompaña cuando dejo a los niños, cuando me preguntan lo que no deben, cuando tocan la puerta y no espero a nadie. Está ahí, en la ausencia de los que se fueron sin poder despedirse. Los que ahora son solo el hueco en la mesa.

Aún así, cada mañana me levanto, me persigno y salgo a este país que me rechaza y necesita. Y es que es más fácil culpar al que barre que al que manda.

La gente cree que una quiere arrancarse las raíces y caminar muy lejos de los suyos, pero las razones casi siempre son las mismas: hambre, miedo o un sueño.

Y una quiere decir algo, consolarse, hacer que duela menos. Pero hay días en que no hay palabras. No hay consuelo. Solo queda lo que hay. Y lo que hay es esto. El cuerpo que sigue. Las manos que trabajan. El corazón que no se apaga.

No estoy sola. Aquí hay muchos otros conmigo. Y entonces lo entiendo. Me temen porque llegué sin nada y ahora hay una mesa donde caben más bocas. Porque donde piso, crecen cosas: casas, comida, gente que se ayuda.

Yo no tengo privilegios en esta tierra, pero tengo esta fuerza que me sostiene y que viene de muy atrás. Una dignidad que no se borra con un número o un papel. Una historia que escribo a diario, aunque nadie la quiera leer.

Eso es lo mío. Eso, lo que nadie me puede quitar. Aunque me quiten todo: la certeza de poder hacer tanto con tan poco.

Por eso, aunque me quieran borrar, aquí sigo. Eso les asusta más que cualquier cosa: que sobreviva sin permiso, que siga dando aunque esta tierra me diga que no merezco ni la sombra.




Where I step, things grow
English


I won’t pretend I'm not afraid. I am. Every single day. It comes with me when I drop off the kids, when they ask questions they shouldn't, when someone knocks, and I'm not expecting anyone. It's there, in the absence of those who left without being able to say goodbye, those who are now just an empty seat at the table.

Still, every morning I get up, cross myself, and go out into this country that rejects me and needs me. Because it's easier to blame the one who sweeps than the one who gives the orders.

People think that you want to tear up your roots and walk far away from your people, but the reasons are almost always the same: hunger, fear, or a dream.

And you want to say something, console yourself, make it hurt less. But there are days when there are no words. No comfort. Only what's left. And what's left is this. The body that keeps going. The hands that work. The heart that doesn't go out.

I'm not alone. There are many others here with me. And so I understand. They fear me because I arrived with nothing, and now there's a table where more mouths can eat. Because where I step, things grow: houses, food, people who help each other.

I don't have privileges in this land, but I have this strength that holds me up and comes from way back. A dignity that can't be erased with a number or a paper. A story I write every day, even though nobody wants to read it.

That's what's mine. That's what nobody can take from me, even if they take everything else: the certainty of being able to do so much with so little.

That's why, even though they want to erase me, I remain here. And that scares them more than anything, that I survive without permission, that I keep giving even when this land tells me I don't deserve even the shade.





Sous mes pas, des choses poussent
Français



Je ne vais pas faire semblant que je n'ai pas peur. J'ai peur. Tous les jours. Cette peur, elle m'accompagne quand je laisse les enfants, quand on me pose des questions qu'on ne devrait pas, quand on frappe à la porte et que je n'attends personne. Elle est là, dans l'absence de ceux qui sont partis sans pouvoir dire au revoir. Ceux qui ne sont plus maintenant qu'un vide à table.

Malgré tout, je me lève quand même chaque matin, je me signe et je sors dans ce pays qui me rejette et qui a besoin de moi. C'est que c'est plus facile de s'en prendre au balayeur qu'au directeur.

Les gens croient que nous voulons arracher nos racines et marcher très loin des nôtres, mais les raisons sont presque toujours les mêmes: la faim, la peur ou un rêve. 

Et nous voulons dire quelque chose, nous consoler, faire en sorte que ça fasse moins mal. Mais certains jours il n'y a pas de mots. Il n'y a pas de consolation. Il ne reste que ce qu'il reste. Et ce qu'il reste, c'est ça. Le corps qui tient, les mains qui travaillent, le cœur qui ne s'éteint pas.

Je ne suis pas seule. Il y en a beaucoup d'autres ici avec moi. Et c'est là que je
comprends. Ils me craignent parce que je suis arrivée sans rien et que maintenant il y a une table avec de la place pour d'autres bouches. Parce que sous mes pas, des choses poussent: des maisons, à manger, des gens qui s'aident.

Moi, je n'ai pas de privilèges ici, sur cette terre, mais j'ai cette force qui me soutient et qui me vient de très loin. Une dignité qui ne s'efface pas avec un numéro ou un bout de papier. Une histoire que j'écris chaque jour, même si personne ne veut la lire.

Ça c'est à moi. Ça, c'est ce que personne ne peut m'enlever. Même si on m'enlève tout: la certitude de pouvoir tant faire avec si peu. 

Voilà pourquoi, même si on veut m'effacer, je suis toujours là. Ça les effraie plus que tout : que je survive sans permission, que je continue, encore et encore, même si cette terre me dit que je ne mérite rien, même pas mon ombre.



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